Sprint : lire les mécaniques pour prévenir les blessures ischios

Analyse fine du sprint pour prévenir les blessures ischio-jambiers : découvrez comment le score S-MAS — Sprint Mechanics Assessment Score. peut guider le retour terrain et affiner la réathlétisation.
Mar 31 / 11LEADER

Les blessures aux ischio-jambiers lors des sprints sont parmi les plus fréquentes et frustrantes pour les athlètes de haut niveau. L'étude de Bramah et al. (2025) propose une approche innovante en croisant les données biomécaniques avec l’historique lésionnel des sprinters, afin de comprendre comment la technique de course peut signaler ou expliquer un risque accru de blessure. Contrairement aux approches classiques focalisées uniquement sur la force ou les tests cliniques, cette recherche adopte une lecture fonctionnelle fine du geste de sprint. Elle tente ainsi de mettre en lumière des indicateurs visibles sur le terrain, utiles à la prévention et à la réathlétisation.

Une biomécanique altérée mais fonctionnelle chez les blessés

Les athlètes ayant un antécédent de blessure aux ischio-jambiers (HSI) ne courent pas nécessairement plus lentement. Cependant, ils adoptent des ajustements biomécaniques subtils : réduction de l’extension de hanche, flexion de genou majorée en phase de recouvrement, jambe plus en avant lors de l’impact au sol. Ces compensations ont probablement une visée protectrice, mais modifient les contraintes appliquées sur la musculature postérieure.

Parmi ces adaptations, le placement de la jambe au moment du contact au sol est l’un des plus significatifs. Une attaque plus avancée du pied, par rapport à la verticale du bassin, augmente les sollicitations au niveau proximal des ischios, précisément là où se produisent les lésions musculaires les plus graves.

Le score SMSAS : un outil simple pour un problème complexe

L’étude intègre un score de dépistage et d’analyse du sprint, le Sprint Mechanics Assessment Score (SMAS). Cet outil attribue une note selon plusieurs critères visuels : angle de hanche, alignement du tronc, pattern du genou, appui au sol, etc.

Les sprinters blessés présentent un score SMAS significativement plus élevé, en moyenne de 1,8 point, signalant un schéma biomécanique plus altéré. Ce score pourrait ainsi devenir un indicateur de risque fonctionnel, facilement utilisable en complément des tests musculaires ou de force.

Exemple de protocole d’analyse du sprint sur 5 mètres à pleine vitesse.

Cette image illustre la configuration expérimentale utilisée pour capturer les mécaniques du sprint dans l’étude de Bramah et al. (2025). Le couloir de mesure commence après une accélération sur 25 mètres, garantissant que les coureurs atteignent leur pleine vitesse. Les 5 mètres suivants (entre 25 m et 30 m) constituent la zone d’analyse, captée à haute fréquence par caméras optoélectroniques. Cette approche permet une observation fine des positions articulaires, du placement du pied au contact, et de la coordination segmentaire dans des conditions de sprint

Comment interpréter le SMAS ?

Le score SMAS est construit sur la base de 10 critères techniques, chacun noté sur une échelle qualitative. Un score élevé (au-delà de 6/10) signale des altérations significatives dans la mécanique de sprint.

Score 0–3 :

Biomécanique fluide, peu de déviations observées, profil bas risque.

Score 4–6 :

Adaptations modérées à surveiller dans le cadre d’un retour au sprint.

Score >6 :

Biomécanique perturbée, indicateur fort de compensation ou de stratégie post-lésionnelle à corriger avant reprise intensive.
 Ce score ne remplace pas un diagnostic, mais permet d'objectiver une tendance biomécanique sur vidéo ou observation terrain.

 
Score SMSAS : comparaison blessée vs non blessé

Cette séquence montre un joueur précédemment blessé aux ischios (A) avec un score SMAS de 7/12, révélant plusieurs altérations biomécaniques (ex. : pied trop en avant, déficit d’extension, rotation pelvienne). 
Le joueur sain (B) obtient un score de 0/12, reflétant une mécanique de sprint fluide et sans compensation. Un outil simple pour objectiver le risque de récidive et guider le retour au sprint.

Des déficits qui impactent la performance

Chez les athlètes précédemment blessés, on observe un moment de hanche réduit de 7 %, et une capacité moindre à générer une force horizontale efficace, ce qui impacte directement le RF ratio (rapport force horizontale/verticale).

Le RF ratio, reconnu comme un marqueur clé de performance en sprint, se trouve diminué, probablement par une stratégie de réduction des contraintes musculaires. Le revers de cette protection est une baisse de l’efficacité de propulsion. L’étude met aussi en avant une perte de coordination entre la hanche et le genou, modifiant la transmission de la force et la stabilité segmentaire.

Implications pratiques : prévenir, observer, corriger

Les paramètres mesurés dans cette étude peuvent être observés, voire quantifiés, sans matériel complexe. Une analyse vidéo au smartphone, des séquences de sprint en ligne droite, et une grille simple comme le SMAS peuvent suffire à déclencher une alerte ou guider un retour progressif.

L’enjeu devient alors d’intégrer dans les protocoles de réathlétisation non seulement du renforcement musculaire, mais aussi un travail actif sur la mécanique du sprint : rythme, posture, relâchement, coordination intersegmentaire. Il ne s’agit plus seulement de “sprint or not sprint”, mais de comment sprinter sans reproduire les patterns à risque.

Ce que cette étude change dans nos pratiques

Le sprint est souvent perçu comme une capacité brute liée à la force et à la vitesse. Cette étude rappelle qu’il est aussi une compétence motrice, qui peut se dérégler après blessure, sans forcément diminuer les performances chronométriques.

Accepter de reconsidérer la technique de sprint d’un athlète blessé — même performant — devient alors une démarche de prévention plus que de correction. Elle implique un travail fin, contextualisé, progressif, où l’analyse du geste a autant d’importance que la force mesurée.

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

CONCLUSION

L’étude de Bramah et al. souligne qu’un bon sprinter n’est pas toujours un sprinter sain. Et qu’une mécanique apparemment efficace peut masquer des risques profonds de récidive. En combinant des outils simples comme le SMAS avec une observation éclairée, les kinés du sport et préparateurs physiques peuvent affiner leur lecture du sprint post-blessure.

Prévenir les blessures aux ischio-jambiers, ce n’est plus seulement renforcer. C’est aussi observer, décoder et réentraîner un geste devenu silencieusement asymétrique.

L'ARTICLE

Bramah, C., Iqbal, M., Brukner, P., & Morrissey, D. (2025). Sprint running mechanics are associated with previous hamstring injury and performance in competitive male football players. Journal of Science and Medicine in Sport. Advance online publication. https://doi.org/10.1016/j.jsams.2024.12.011