L'étude a recruté 22 athlètes d’élite universitaire japonais, soit 11 sprinters spécialisés en 400 m et 11 cyclistes spécialisés en 1000 m piste. Tous présentaient un haut niveau de performance (49,46 s sur 400 m et 66,78 s sur 1000 m contre-la-montre), avec une durée d’effort spécifique proche (~50–60 secondes) et une ancienneté sportive comparable.
L’expérimentation a combiné :
- IRM musculaire (1,5 T) des muscles fessiers et postérieurs de cuisse (GM, ST, SM, BFlh, BFsh) pour mesurer précisément les volumes musculaires.
- Tests isométriques de force d’extension de hanche sur dynamomètre à 6 angles de flexion de hanche (de 45° à 120°).
- Électromyographie (EMG de surface) synchronisée pour analyser l’activité musculaire lors de chaque effort.
Tous les tests ont été réalisés dans des conditions rigoureusement standardisées, avec stabilisation de la hanche et du bassin.
Les volumes musculaires révèlent des différences nettes :
- Le semitendineux (ST) est significativement plus volumineux chez les sprinters (+18% environ, p<0,005).
- En revanche, les autres muscles (grand fessier, biceps fémoral long et court, semimembraneux) présentent des volumes équivalents entre les deux groupes.
Cette hypertrophie sélective du ST chez les sprinters semble refléter une adaptation aux contraintes spécifiques du sprint à pied, où ce muscle est particulièrement sollicité en excentrique lors de la phase terminale de l’oscillation.
Lors des tests de force :
- CHez les cyclistes, le couple d'extension de hanche augmente avec l’angle de flexion de hanche. À 120°, ils produisent significativement plus de couple que les sprinters (p=0,033).
- Chez les sprinters, le couple d’extension plafonne au-delà de 60° de flexion, montrant une spécificité de génération de force dans des angles plus proches de la course.
L’EMG confirme ces observations :
- Le grand fessier (GM) des cyclistes présente une activation EMG significativement plus élevée aux angles les plus fléchis (105° et 120°, p<0,05), traduisant une optimisation de l’activation neuromusculaire en position fermée.
- Aucun groupe ne présente de différences majeures sur le biceps fémoral et le semitendineux dans ces conditions
Cette figure présente des images IRM comparatives de la cuisse droite d’un sprinter et d’un cycliste. Les chercheurs ont découpé la cuisse à différents niveaux pour analyser la taille des muscles extenseurs de hanche. Tout en haut, on observe le grand fessier, principal extenseur de hanche, avec des sections similaires entre les deux athlètes. En descendant le long de la cuisse, ils ont mesuré le volume des muscles ischio-jambiers : le biceps fémoral (ses chefs long et court), le semitendineux et le semimembraneux. C’est à mi-cuisse, sur la coupe centrée sur le semitendineux, qu’apparaît la principale différence : les sprinters présentent un volume nettement plus important de ce muscle par rapport aux cyclistes. Cette méthodologie précise par imagerie permet d’expliquer pourquoi chaque spécialité sportive induit des adaptations musculaires spécifiques en fonction des contraintes mécaniques du geste.
Ces résultats traduisent des phénomènes d’adaptation neuromusculaire au fil de la spécialisation :
- Les sprinters développent une hypertrophie ciblée du semitendineux, qui travaille à haute vitesse, avec des contractions excentriques fréquentes lors du sprint (fréquence jusqu’à 4,1 Hz sur 400 m). Ce type de sollicitation favoriserait son hypertrophie via des mécanismes de tension longitudinale et de recrutement rapide.
- Les cyclistes développent une capacité accrue à générer du couple d’extension en position fléchie (hip flexion 100-120° sur le vélo). Ils optimisent la commande nerveuse et l’activation du grand fessier dans cette zone articulaire, probablement en raison du pédalage à haute force mais faible vitesse de rotation (fréquence 2,1 Hz sur 1000 m piste).
En d’autres termes, chacun des deux sports entraîne une optimisation morpho-fonctionnelle selon ses propres angles spécifiques de travail.
L’étude reste strictement isométrique, ne reproduisant pas les conditions dynamiques du sprint ou du pédalage réel. La quantification des bras de levier (moment arms) des muscles n’a pas été réalisée, ce qui pourrait encore affiner l’interprétation biomécanique.
Cependant, les données offrent un éclairage inédit et particulièrement précieux sur la spécificité des adaptations musculaires selon les exigences angulaires propres à chaque sport.
Pour les kinésithérapeutes et préparateurs physiques :
- En sprint course : renforcer le semitendineux excentriquement, travailler l’explosivité sur des amplitudes faibles à intermédiaires de flexion de hanche, et cibler la prévention des lésions ischio-jambiers.
- En sprint cycliste : privilégier le renforcement concentrique à haute charge en position fléchie de hanche (>90°), optimiser l'activation du grand fessier et travailler la force maximale à cadence modérée.