L’étude a suivi une OFR en 5 phases structurées, validées par critères cliniques. Les charges internes (FC, RPE) et externes (via GPS) ont été analysées, et les taux de retour à la compétition (RTC) ont été documentés avec un suivi à plus de 2 ans.
Les 5 phases de l’OFR comprenaient :
- Travail linéaire et basique
- Changement de direction contrôlé
- Intensification des efforts spécifiques
- Simulation de jeu
- Retour à l’entraînement modifié collectif
L’étude s’appuie sur l’analyse de 27 articles ayant inclus au total 8 689 patients. Elle ne se contente pas d’évaluer l’efficacité théorique des tests, mais introduit des critères pratiques tels que leur coût, leur besoin en matériel, leur durée d’administration, leur facilité de mise en œuvre et leur niveau de preuve associé. Cette approche offre une grille d’analyse inédite pour classer les tests de retour au sport selon leur pertinence clinique.
Les auteurs rappellent d’emblée une donnée préoccupante : le risque de rerupture après reconstruction du LCA reste compris entre 6 et 15 %, et jusqu’à 20 % chez les jeunes athlètes compétitifs. Cela renforce la nécessité de disposer d’outils permettant de mieux objectiver les critères de reprise, au-delà des seuls délais chronologiques.
Parmi les nombreux tests étudiés, la mesure de la force du quadriceps apparaît comme l’un des éléments prédictifs les plus robustes du risque de rerupture. L’isocinétisme à 60°/s, mesuré via dynamomètre, reste la référence. Un déficit de force supérieur à 10 % entre les deux jambes est corrélé à une augmentation significative du risque de nouvelle rupture. Toutefois, cet outil reste peu accessible hors centres spécialisés.
L’intérêt de l’étude est de proposer des alternatives valides et simples à mettre en place : le test de 8-RM sur presse ou en charge libre, les dynamomètres portatifs, ou encore des tests fonctionnels comme le saut unipodal peuvent, dans une certaine mesure, refléter la récupération de force. Ces substitutions sont appuyées par des études corrélant leurs résultats à ceux de l’isocinétisme. L’enjeu n’est donc pas de tout mesurer, mais de savoir quoi et comment mesurer de façon fiable avec les moyens disponibles.
L’évaluation fonctionnelle occupe une place essentielle dans le protocole de retour au sport. Les sauts unipodaux horizontaux (single-leg hop, triple hop, timed hop) sont couramment utilisés et validés. L’étude souligne également l’intérêt croissant des sauts verticaux, tels que le drop jump, pour objectiver l’asymétrie des forces au contact, notamment sur le plan frontal.
Un point remarquable est mis en évidence : une asymétrie biomécanique marquée au moment de la réception d’un drop jump est associée à une probabilité multipliée par trois de rerupture. Le seuil critique est établi à un écart de 2,8·10⁻² Nm/kg dans le moment d’abduction du genou, ce qui peut être mesuré aujourd’hui via des outils simples tels que des caméras haute fréquence ou des capteurs inertiels portables, y compris en cabinet libéral.
L’étude encourage à combiner évaluation en charge verticale et tests linéaires horizontaux, dans une logique plus fonctionnelle. Le but n’est plus seulement de comparer la jambe opérée à la jambe saine, mais de détecter des stratégies motrices à risque dans un contexte de fatigue ou de tâche complexe.
En complément des tests objectifs, Mengis et ses collègues insistent sur la valeur prédictive des questionnaires d’auto-évaluation. Le KOOS Sport/Loisir permet d’estimer la perception fonctionnelle du genou dans des contextes dynamiques, tandis que l’ACL-RSI évalue le niveau de confiance et la préparation psychologique au retour au sport.
Un score ACL-RSI supérieur à 60 six mois après l’intervention est associé à un taux de retour au sport plus élevé et un risque de récidive réduit. Ces questionnaires sont simples à administrer, gratuits et reproductibles, et devraient selon les auteurs être systématiquement intégrés dans l’évaluation.
L’association d’un test subjectif, d’un test de force et d’un test fonctionnel offre ainsi un triptyque solide, cohérent et cliniquement pertinent pour orienter la décision de reprise.
L’un des apports les plus concrets de la revue est de proposer une stratégie adaptative en fonction des ressources disponibles. Plutôt que de proposer une batterie rigide, les auteurs suggèrent un protocole modulable, permettant de maintenir un bon niveau de fiabilité même en l’absence d’équipement coûteux ou de plateforme de force. L’idée est claire : mieux vaut une évaluation imparfaite mais bien menée que l’absence totale de mesure.
Ainsi, un clinicien sans dynamomètre pourra recourir à un test de 8-RM sur presse, compléter avec un triple hop chronométré, et ajouter les questionnaires KOOS et ACL-RSI. Dans un cabinet plus équipé, on pourra intégrer des tests de saut verticaux analysés par vidéo, ou des capteurs inertiels pour quantifier l’asymétrie du mouvement.
Le message de fond est fort : l’exigence scientifique n’est pas incompatible avec les contraintes de terrain, à condition d’être pragmatique et méthodique.